Il arrive que des entrepreneurs pressés décident de prendre à bail ou d’acheter les murs d’un fonds de commerce de « restauration » ou de « restauration rapide » n’ayant pas une tourelle d’extraction d’air aux normes. Pour ouvrir rapidement et ne pas avoir à payer des loyers en vain, ils décident de mettre aux normes l’extraction d’air sans attendre d’avoir l’autorisation de la copropriété. Est-ce une bonne stratégie ?
En cas de d’installation d’une extraction d’air sans autorisation de la copropriété quel est le risque ?
Le pari est risqué : il peut se révéler gagnant ou très coûteux.
En pratique, comment les choses vont se dérouler ? Les possibilités sont infinies ; nous proposons un exemple qui nous parait courant dans la réalité judiciaire.
Si la copropriété entérine a posteriori les travaux, les problèmes sont résolus. Sinon, une procédure judiciaire risque fortement de s’enclencher.
En pratique, la copropriété va faire constater par huissier l’installation et demander la suppression des travaux litigieux. Elle demandera probablement à l’architecte de l’immeuble de faire un rapport. Puis, elle mandatera le syndic pour qu’il nomme un avocat. La copropriété fera alors une procédure judiciaire pour demander la désinstallation de l’extraction d’air en référé. En pratique, le juge ordonnera la remise en état sous astreinte de plusieurs centaines d’euros par jour de retard.
La probabilité de perdre la procédure de référé est importante pour l’entrepreneur. Néanmoins, la partie est-elle finie ?
Quelle stratégie adopter pour régulariser l’extraction d’air ?
La suite des événements est une course contre la montre.
Il faut comprendre que la procédure du syndic va vendre plusieurs mois pour aboutir à une décision judiciaire : d’abord constat d’huissier, puis pourparlers, puis commandement de faire, puis assignation en justice, puis audience. Il est possible de faire durer la procédure. En pratique, la copropriété n’aura pas un jugement avant 6 à 9 mois. Le jugement prévoira un délai pour la remise en état. A défaut, la copropriété pourra faire liquider l’astreinte par voie judiciaire : ajoutons 4 mois de plus. On arrive à une période de 10 à 13 mois.
Pendant ce temps, il est possible au restaurateur de faire une procédure judiciaire d’autorisation de l’extraction d’air. En pratique, si l’extraction d’air est conforme à la destination du fonds de commerce dans le règlement de copropriété (et non dans le bail), l’autorisation judiciaire sera généralement donnée. Le juge pourra aussi condamner la copropriété à des dommages et intérêts pour le refus initialement donné. Cette décision permettra de contrer à la décision de référé. L’ordonnance de référé est une décision provisoire soumise à la décision au fonds à intervenir. Il est même possible de demander au juge d’annuler l’astreinte, qui est en référé toujours une astreinte provisoire.
Évidemment, il y a un risque. En cas de refus du juge d’autoriser les travaux ou en cas de refus de l’urbanisme d’autoriser la modification de l’aspect extérieur de l’immeuble, ou en cas d’une décision en référé particulièrement rapide, la situation peut rapidement dégénérer.
Quelques conseils de la pratique d’un avocat en restauration
Dans tous les cas, le restaurateur devra avoir préparé son dossier d’autorisation dès avant les travaux. Dans l’idéal, la copropriété reçoit le dossier avant même que le bail ne soit signé. Il est aussi de bonne politique d’attendre le retour des services de l’urbanisme avant de commencer l’installation de la tourelle. En effet, les services de l’urbanisme peuvent refuser les travaux ou les conditionner à une modification substantielle. Le délai de réponse (refus ou autorisation tacite) est de 1 à 2 mois en fonction de la localisation du local.
En pratique la bonne stratégie est de signer un bail sous condition suspensive de l’autorisation administrative afin d’entrer dans les lieux une fois cet obstacle franchi. Le bailleur ou le cessionnaire peut aussi demander de manière anticipée l’autorisation à la copropriété. Cela permet au preneur en cas de refus de lancer directement la procédure judiciaire quitte à débuter les travaux en cours de procédure. Le risque sera toujours présent mais il sera moindre.
Enfin, si un restaurateur devait suivre une telle approche, il devra s’assurer que le propriétaire du bail s’il est locataire accepte de le suivre dans cette stratégie. En effet, de tels travaux sans l’autorisation du bailleur seront de nature à ouvrir la possibilité d’une résolution judiciaire ou de mise en œuvre de la clause résolutoire par le bailleur.
Eu égard au caractère périlleux de cette approche, il est grandement conseillé avant de se lancer de prendre attache avec des avocats ayant une expertise en droit de la restauration.