Face à une pénurie de main d’œuvre sévère dans la restauration, un restaurant pourrait être enclin à employer un salarié sans papier. En effet, le marché du travail dans la restauration est en hiatus avec la politique migratoire. Alors comment contester la contribution spéciale de l’OFII ?
Le renforcement actuel de la lutte contre l’immigration clandestine se traduit par le contrôle de nombreux restaurateurs. Cette situation malheureuse oblige à réfléchir aux stratégies de défense face à de telles sanctions.
Les risques en cas de contrôle par l’inspection du travail : la contribution spéciale et la contribution forfaitaire de l’OFII
En cas de contrôle positif, généralement par l’inspection du travail, les sanctions sont violentes. En effet, l’administration, outre un renvoi devant les juridictions pénales pour travail dissimulé, peut décider d’une fermeture administrative du restaurant et d’amendes administratives.
Ainsi, l’OFII sur le fondement de l’article L 8253-1 du code du travail peut condamner le restaurant à une contribution spéciale d’un montant 20 500 euros (5000 fois le taux minimum garanti soit en mai 2023 : 4,10 euros). A cette amende s’ajoute la contribution forfaitaire pour le réacheminement de l’étranger (L 822-2 du code CESEDA) d’un montant de 2 309 euros.
En pratique les contrôles sont rarement le fruit du hasard. Ils sourdent bien plus souvent d’une délation d’un voisin vindicatif ou d’un concurrent mauvais joueur.
Pour beaucoup de restaurants une telle amende de l’OFII est un cataclysme. Comment le propriétaire d’un commerce peut-il se défendre contre la contribution spéciale OFII ?
La décision de l’OFII condamnant au paiement d’une contribution spéciale et d’une contribution forfaitaire est une décision administrative. La contestation est à porter devant le tribunal administratif.
Plusieurs recours sont possibles.
La fausse bonne idée : payer l’URSSAF sans analyser les recours possibles
L’article L 8251-1 du code du travail dispose que « ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d’infractions ou en cas de paiement spontané par l’employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler ».
La tentation de se précipiter sur le site de l’URSSAF pour régulariser une DPAE et payer les cotisations pour diminuer l’amende à 8 020 euros (mai 2023) est grande. La solution n’est pas totalement absurde à première vue.
Toutefois, la minoration n’est pas de droit. Si l’administration peut minorer, elle n’est pas obligée de le faire. Il convient donc d’estimer la probabilité de succès. En effet, une fois la régularisation faite, il ne sera plus possible de contester la méprise de l’administration sur la situation de travailleur.
Par ailleurs, la minoration pour non-cumul des infractions ne renvoie qu’à de très rares hypothèses. En réalité, il y aura presque toujours cumul des infractions pénales de travail dissimulé avec d’autres infractions.
La minoration a vraiment un impact pour un restaurant qui aurait régularisé une DPAE pour un travailleur en situation irrégulière et paierait régulièrement les cotisations sociales. Ce cas de figure se rencontre chez un restaurateur qui accompagne un étranger dans un parcours de régularisation par le travail.
Le projet de loi sur l’immigration actuellement en discussion au parlement pourrait ouvrir la voie à de nouveaux titres de séjour « marché en tension » qui seraient d’une grande utilité aux restaurateurs en zones sinistrées.
Contester par un recours pour excès de pouvoir la contribution spéciale de l’OFII
Par un arrêt du 13 mars 2019, le Conseil d’État rappelle que : « saisi de la sanction prononcée, le juge peut, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l’administration, salarié par salarié, maintenir la contribution forfaitaire ou en décharger l’employeur (CE n° 424565, 13 mars 2019) ».
La contestation portera deux axes : la qualité de salarié et la situation d’irrégularité.
Démontrer que le salarié avait le droit de travailler – le titre de séjour autorisant au travail.
Il convient de prouver que le salarié est muni d’un titre de séjour portant, notamment, la mention « travailleur », « saisonnier », « étudiant », ou « vie privée familiale » ou possède une nationalité européenne. En effet, la possession d’un titre de séjour ne suffit pas, encore faut-il qu’il autorise à travailler comme salarié.
Les méprises de l’administration sont fréquentes car les contrôles sont rarement faits en présence d’un interprète.
Il peut arriver que le restaurateur se fasse piéger par un employé. Il a reçu un faux titre de séjour. Le restaurateur pourra exciper de sa bonne foi. Il devra prouver avoir fait les démarches de contrôle des titres de séjour avant l’embauche.
Démontrer l’absence d’une relation de travail à la source du travail dissimulé
Pour établir une relation de travail, il faut prouver plusieurs critères, notamment la prestation d’un travail. L’administration dans son verbiage dit généralement : « la qualité́ de salarié suppose nécessairement l’existence d’un lien juridique de subordination du travailleur à la personne qui l’emploie, le contrat de travail ayant pour objet et pour effet de placer le travailleur sous la direction, la surveillance et l’autorité́ de son cocontractant, lequel dispose de la faculté́ de donner des ordres et des directives, de contrôler l’exécution dudit contrat et de sanctionner les manquements de son subordonné ».
Il convient d’apporter une démonstration factuelle de l’absence d’une telle relation. La tâche peut être ardue car les juges administratifs appliquent la théorie de la réalité des faits. Même si l’administration a obtenue illégalement la preuve, cela ne remet pas en cause la réalité des faits.
Cette approche peut être utile si la personne contrôlée n’est pas en situation de travail pendant le contrôle. Il s’agira d’exploiter l’ambiguïté. Néanmoins, l’administration tente souvent de piéger le restaurateur par des questions trompeuses. La meilleure stratégie est vieille comme la lune : tenir sa langue.
Gagner du temps : le recours devant le Tribunal Administratif est suspensif
Le recours pour excès de pouvoir est suspensif pour les contestations portant sur les décisions de l’OFII. En d’autres termes, il n’est pas nécessaire de payer l’amende avant la décision du juge. Les tribunaux administratifs étant engorgés, cela peut traîner des années, histoire de se constituer une trésorerie pour payer l’amende…
Par ailleurs, se pose la question du recours administratif : faut-il un recours administratif obligatoire (Le recours administratif préalable obligatoire (Rapo)) ? Il y a un débat dans la doctrine : notre recommandation : toujours faire un recours gracieux au directeur de l’OFII.
Généralement la recommandation est de faire le recours et de déposer juste après le recours pour excès de pouvoir. Il est possible d’utiliser le recours préalable pour faire traîner : en effet, le délai de 2 mois pour le recours judiciaire sera reconstitué par la nouvelle décision à venir.
Les autres axes pour contester la contribution spéciale : le respect des droits de l’homme et la réduction du quantum
La tension du marché du travail fait que pour un restaurateur embaucher un travailleur clandestin est souvent la seule solution. Dès lors, le caractère forfaire des contributions spéciales et forfaitaires est contraire au principe de la proportionnalité des peines. Le conseil d’État dans une décision récente a admis (CE 12 avril 2022) que les décisions de l’OFII portant paiement d’une contribution spéciale et forfaitaire devaient faire l’objet d’une appréciation par le juge au cas par cas. Il s’agit d’un retournement car la jurisprudence considérait à l’origine le montant de l’amende purement forfaitaire. La jurisprudence reste prudente sur les demandes de réduction du montant de l’amende. Néanmoins, la brèche est ouverte!
Conclusions
En cas de contrôle revenu fatal, il n’y a pas de remède miracle. Cependant une analyse fine de la situation du restaurateur permettra à un avocat spécialisé dans domaine de la protection des restaurateurs de mettre en place une stratégie la plus complète et efficace possible. Un avocat pourra vous aider à contester la contribution spéciale de manière efficace.
Dans tous les cas, avant d’avoir recours à un travailleur clandestin, consultez un avocat ! Notamment en mettant en place un parcours migratoire et en construisant une stratégie optimale.