Lors de la souscription d’un emprunt pour l’achat d’un fonds de commerce de restauration, la banque demandera au gérant de se porter caution personnelle. Les banques prudentes en effet multiplient généralement les garanties : nantissement du fonds de commerce, garantie auprès de la BPI et caution du gérant. Quels recours a la caution contre sa banque ?
En cas de faillite du restaurant, le fonds de commerce fera l’objet d’une vente lors d’une liquidation judiciaire. Sur le prix de vente seront d’abord payés les liquidateurs, puis les salariés et s’il reste quelque chose : la banque. La garantie BPI couvre généralement 1/3 du prix du fonds. Il reste donc un manque à gagner pour la banque. Elle va le chercher auprès du gérant.
On comprend aisément que pour le gérant cet engagement de caution est ingrat. Il vient de perdre son fonds de commerce et alors qu’il est dans la situation la plus précaire possible, souvent ruiné, il doit encore payer la banque.
Comme se défendre d’un engagement de caution mis en œuvre par une banque ? Peut-on en obtenir la nullité ?
La défense par la nullité de la caution du gérant d’un restaurant
La jurisprudence et la loi sont venues en défense du restaurateur et ont créé plusieurs possibilités de sortir de l’engagement. En effet, face à une attitude largement prédatrice des établissements financiers, il a fallu rééquilibrer les pouvoirs par la loi. La jurisprudence a aussi contribué sa pierre à l’édifice en engageant largement la responsabilité des différents professionnels : banque et tiers.
Il y a donc deux vecteurs de défense : la nullité de la caution bancaire et la responsabilité de la banque pour défaut de conseil.
La plupart du temps, il n’est pas conseillé de prendre les devants en assignant la banque en nullité de la caution. Il vaut mieux attendre d’être assigné. Toutefois, en cas de manquements clairs et graves de la banque, prendre l’initiative en écrivant une lettre d’avocat est utile. Cela permet de refroidir la banque dans ses ardeurs.
Le formalisme de la caution : une cause de nullité efficace pour un recours contre la banque
Pour être valable un engagement de caution doit respecter des règles de formes. Elles ont évolué avec le temps. Il convient de regarder les règles en vigueur au moment de la signature de l’engagement.
Les articles L 331-1 et suivants du code la consommation imposent un formalisme strict et des mentions manuscrites. La jurisprudence s’est montrée rigide en cas d’oubli. En outre, il est toujours possible de demander à voir lors d’un contentieux un original des contrats. Il arrive qu’ils se perdent …
L’obligation de proportionnalité : la caution est nulle si disproportionnée au revenu du restaurateur
« un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».
L 332-1 du code la consommation
Cette règle est en pratique peu praticable. Par définition le restaurateur qui se lance dans une nouvelle aventure de restauration sera soit sans revenu (il aura dû quitter son emploi) et n’aura de revenus souvent que de l’exploitation de son nouveau fonds de commerce. Par définition au moment de la souscription de l’engagement de caution, il ne sait rien de ses revenus futurs.
Surtout que la banque calcule son risque non pas sur les revenus de la caution mais sur le bénéfice escompté du fonds de commerce. La caution personnelle fait plus office d’un happy ending que d’un élément matériel pour la banque
Par ailleurs, au moment où la caution est mise en œuvre encore faut-il qu’il ait le patrimoine suffisant. S’il vient de perdre son fonds de commerce lors d’une procédure collective, cela ne sera pas le cas.
La jurisprudence est abondante sur la question. Elle a reconnu de nombreuses hypothèses d’annulation de la caution. Par ailleurs, il faut comprendre que les banques sont souvent réticentes à un contentieux qui leur fait de la mauvaise presse. Il est possible de trouver un accord transactionnel avec elles.
Les obligations d’information de la banque
La banque doit informer la caution au premier incident de paiement et dans le mois suivant. Il conviendra de bien vérifier que la banque n’ait pas raté le tir. En pratique, les notifications sont faites de manière plus ou moins automatisée ce qui peut générer des problèmes divers.
De manière plus générale, la banque a une obligation générale de conseil qui peut engager sa responsabilité pour défaut d’information. Toute erreur de la banque sera utile en cas de recours de la caution contre cette dernière.
Penser à votre courtier : il a peut-être commis une faute
Si votre courtier se rappelle à vous par des relances commerciales, il convient de ne pas l’oublier dans les tourments. En effet, le courtier en prêts qui vous assiste par une prestation de conseil. Il peut avoir commis une faute. Comme tout professionnel, il a une obligation d’information et de vigilance.
Il a en plus fait une analyse de votre dossier pour le porter devant les banques. Il avait donc toutes les informations en main pour vous informer du risque. Se rappeler à lui lors d’un contentieux avec la banque est souvent une bonne idée, surtout qu’il a normalement souscrit une assurance responsabilité professionnelle.
Penser au rédacteur de l’acte !
La cession d’un fonds de commerce est généralement le fait d’un avocat, d’un notaire ou d’un comptable (même si très déconseillé en raison du séquestre). Les professionnels du droit ont une obligation de conseil et de vigilance. Lors d’une acquisition, ils doivent faire un minimum d’audit du fonds. S’ils ont fait une offre prix réduit, vite fait mal fait, elle n’engage en termes de responsabilité qu’eux.
En pratique le rédacteur d’acte engage sa responsabilité. Il doit donc faire un audit minimum du restaurant. Si la liquidation est causée par un oubli du rédacteur (non-vérification de l’extraction, d’un conflit avec le bailleur…), il pourra avoir sa responsabilité engagée.
Conclusions
Face à une banque réclamant la mise en œuvre d’un engagement de caution, un avocat spécialisé dans la défense des restaurateurs pourra vous accompagner pour exercer un recours et demander la nullité de la caution ou la responsabilité de la banque ou d’un tiers. Dans tous les cas, il est largement possible de gagner du temps en faisant trainer la procédure ou en obtenant des délais de paiement.